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qu’enseigne la clinique ?

La réponse à cette question participe à distinguer la position qu’occupe le psychologue de celle qu’occupe le psychothérapeute formé à la psychanalyse.


À la différence du psychologue ou du psychiatre, le psychothérapeute vise à occuper, même s’il ne l’est pas encore, la position de semblant d’objet a. Pour le dire autrement, « psychologue » ou « psychiatre » qualifient des personnes, là où « psychothérapeute » est une position subjective (voire « cartographie RPH »).


Pour le psychologue, – qu’il s’agisse de deux personnes faisant couple, d’un parent et de son enfant, de deux frères et sœurs -, qu’un même clinicien assure les cures de différentes personnes d’une même famille est une chose impensable, voire dangereuse. Ceci vient du fait que le psychologue est pris dans une relation imaginaire (1).


Les arguments qu’il met en avant sont par exemple :

  • Le risque d’une porosité entre les cures de l’un et de l’autre,
  • Le risque que le psychologue utilise le discours de l’un pour passer des messages à l’autre,
  • Le risque d’interprétations erronées de la part du psychologue,
  • Le risque d’avoir à l’esprit les éléments du discours de l’un lorsque l’autre est en séance.

Tous ces arguments mettent le psychologue au centre de la scène et l’éloignent de la clinique.


Le psychothérapeute, quant à lui, travaille avec les situations cliniques telles qu’elles se présentent, sans chercher à les faire entrer dans son cadre préétabli. Il est au service de l’Autre barré (Ⱥ) (2), lorsque la souffrance psychique, corporelle ou organique, a poussé un être à rendre visite au clinicien. Cela implique une grande rigueur, qui se traduit par :


  • Sa cure personnelle,
  • Une clinique supervisée, quelle que soit l’expérience clinique de celui qui occupe la position de psychothérapeute, et
  • Un travail théorique quotidien, articulé à la clinique.


Voici une situation vécue il y a trois ans :


Un mineur demande à ses parents de rencontrer un clinicien. Lors de l’entretien préliminaire, où l’un des parents et son enfant sont présents, l’enfant ne dit pas ce qui le fait souffrir. En revanche, le parent exprime sa propre souffrance psychique. L’urgence de la situation me conduit à poursuivre la séance avec le parent seul, afin d’accueillir la souffrance qu’il exprime. Je propose pour cela à l’enfant d’attendre dans la salle d’attente et de le recevoir ensuite, ce qu’il accepte. Une fois la séance du parent suspendue, je reçois l’enfant seul qui, à ce moment-là, parle sa souffrance.



Quel enseignement tirer de cette situation clinique ?


Il n’appartient pas au psychothérapeute de décider du choix transférentiel de l’un et l’autre de ces êtres. En revanche, il est de la responsabilité du clinicien de poser les questions suivantes à celui de la famille qui l’a sollicité en premier (ici, l’enfant) :


1/ s’il est d’accord que le psychothérapeute reçoive son parent en souffrance, dans la mesure où lui (l’enfant) a d’abord dit ne pas souffrir,


2/ si lui (l’enfant) vient à exprimer sa souffrance, s’il est d’accord, que la psychothérapie de son parent soit assurée par le même clinicien que lui.


Si cela lui pose problème, le psychothérapeute oriente le second patient (en l’occurrence dans le cas ci-dessus, le parent) à un autre psychothérapeute. Si cela ne lui pose pas de problème, c’est de la responsabilité du clinicien de veiller à ce que son propre appareil psychique ne vienne pas contaminer les psychothérapies de l’un et de l’autre (3), et ce, au moyen des éléments énoncés plus haut.


La fonction du psychothérapeute n’est ni de passer des messages, ni d’interpréter. L’interprétation, pour avoir une valeur subjectivante, ne peut venir que du grand Autre barré.
Les appréhensions du psychologue, lorsqu’elles se présentent, gagnent à être questionnées et mises à l’épreuve de la clinique, ceci afin d’éviter toute position dogmatique.



1_ Lacan, J. (1956-57). Le séminaire, Livre IV, la relation d’objet, Paris, éditions du Seuil, 1994, p.12.
2_Amorim (de), F. (2020). L’usage de la libido en psychanalyse, https://www.fernandodeamorim.com/details-l+usage+de+la+libido+en+psychanalyse+-+paris+9eme-540.html.
3_ Je fais ici notamment référence à la psychanalyse sans fin du psychanalyste, théorisée par Fernando de Amorim, https://www.rphweb.fr/details-la+psychanalyse+sans+fin+pour+le+psychanalyste-152.html.


Chloé Blachère
Psychothérapie et psychanalyse à Paris 18è